Carte.
 

Mystères, curiosités et lieux secrets.

Une source non répertoriée.

 

 

Nous nous étions retrouvés ce jour-là, Ruben, José Maria et moi, dans le restaurant Bornax de Valtierra, un lieu agréable et convivial réputé pour ses savoureuses côtes de bœuf et pour son cidre servi à volonté.
Nous mangions avec appétit tout en discutant de choses et d’autres, et bien entendu le mot « Bardenas » revenait assez souvent dans nos conversations.

En buvant l’excellent cidre servi à même le tonneau nous décidions d’un accord commun de finir cette belle journée d’hiver dans la Bardena Blanca, et plus précisément dans un secteur méconnu situé aux environs du Barranco de las Cuevas, au nord de Monte Artea.

En fin connaisseur des Bardenas José Maria nous déclara avoir découvert en ce lieu une source d’eau non répertoriée. Cela mis en éveil ma curiosité car à ma connaissance aucune source n’a été découverte dans la Blanca. Les seules sources à avoir été référencées par les hydrographes et par les cartographes se situent exclusivement sur le vaste plateau de la Bardena del Plano, et elles sont peu nombreuses.

Un dernier verre de cidre et nous partons aussitôt en direction des Bardenas à bord du vieux Range Rover de José Maria.

Bardena Blanca Alta

Le 4x4 est vieux, c’est vrai, sa direction est hasardeuse sur route et même dangereuse dans les courbes, mais en matière de franchissement sur terrain difficile il est imbattable !

Après avoir quitté la piste d’el Paso au nord de la Pisquerra nous en empruntons une autre, étroite et manifestement abandonnée tant elle est en piteux état. Des trous, des bosses et des ornières, nous sommes secoués sans ménagement durant cinq bonnes minutes puis José Maria stoppe son véhicule.
Nous descendons et poursuivons à pied.

José Maria et Ruben.
José Maria et Ruben, dans le barranco.

Nous accédons rapidement au fond d’un barranco (ravin), nous y progressons sur quelques 200 mètres puis nous remontons pour descendre plus loin, non sans difficultés, au fond d’un second barranco.
La marche est rapide et précise, trop rapide même, José Maria court comme un lapin alors que Ruben et moi sommes à la traine. Par moments il nous faut escalader de gros blocs de roches qui nous barrent la route, et par deux fois nous sommes contraints de quitter le barranco devenu impraticable à cause de larges flaques d’eau extrêmement boueuses.

Le barranco de la source.

Au bout de quinze minutes nous approchons enfin de notre objectif.
En nous dirigeant en amont du barranco les parois se rapprochent et deviennent moins hautes, le ravin rétrécit jusqu’à devenir très étroit et, encore une fois, boueux. Il nous faut marcher précautionneusement pour ne pas glisser à chaque pas et pour ne pas s’embourber.
Au sol une longue flaque d’eau limpide s’étend rectiligne à l’axe du ravin. Cela me fait penser à un petit ruisseau car l’eau n’y est pas stagnante, elle s’écoule doucement en aval et cela traduit clairement la présence proche d’une source.

Notre marche nous conduit dans un cul de sac.
La source est là devant nous, et je dois bien avouer que je ne l’imaginais pas ainsi. Au ras du sol la paroi légèrement noircie suinte timidement. Le débit est faible, à peine de quoi remplir un verre en 10 secondes, mais constant.

La source.
Fred.

La nappe phréatique étant manifestement très proche de la surface (probablement à une profondeur de moins de six mètres depuis le haut de la paroi) j’en conclue que cette source est saisonnière. Il est fort à parier qu’elle sera tarie avant le début de l’été, la nappe se remplira à nouveau lors des pluies automnales.

Ruben, José Maria et moi discutons un petit moment sur place, nous prenons quelques photos puis décidons de retourner vers le 4x4. La journée touche à sa fin et en cette saison la nuit tombe tôt.

Sur le chemin du retour nous passons devant une flaque située au pied de la paroi du barranco. Nous l’avions remarqué à l’aller et décidons de nous y attarder un peu. Sur sa partie basse cette paroi est marquée d’une longue bande blanche, comme si elle avait été peinte à la chaux.
Il s’agit en réalité de sel gemme (ou sel fossile) déposé ici lors d’anciennes crues.

Dépot salin.

Dans les Bardenas le sel est omniprésent dans les sols et parfois même dans les eaux stagnantes. Ce sel est un héritage du passé géologique de la région, il date de -52 à -5 millions d’années et est issu de l’asséchement d’anciens grands lacs salés.

José Maria et Fred.
José Maria et Fred observent la flaque et le dépôt salin, ... puis font une découverte inattendue.
Découverte d'un insecte aquatique.

La flaque devant nous est née d’anciennes pluies, et non pas de la source. L’eau y est stagnante, limpide et aussi fortement salée. A notre grande surprise nous y découvrons un insecte aquatique qui semble parfaitement à l’aise dans ce milieu salin.

Comment la vie peut-elle subsister dans cet environnement si hostile ? Notre étonnement est à son comble.

Nous identifions l’insecte comme étant un coléoptère, Hygrotus Confluens de son nom scientifique (famille des Dystiscidaes).
Les coléoptères aquatiques vivent normalement dans les eaux douces mais celui-ci appartient à une espèce halophile (capable de vivre dans les eaux saumâtres).
Je m’interroge sur son régime alimentaire, cette mare est un vrai désert, nous n’y trouvons aucune autre trace de vie. Nous supposons donc qu’il se nourrit de micro-débris organiques ainsi que de petits insectes morts flottants à la surface tels que les moucherons ou les moustiques.
Initialement nous pensions avoir affaire à un juvénile, mais aussi petit soit-il ce spécimen est bien de taille adulte puisque l’espèce ne dépasse pas les 4 mm.

Un intrus dans la flaque saline !
L'insecte est très petit.
gros plan.

Après avoir observé attentivement le coléoptère nous reprenons notre marche. Cette fois le rythme de nos pas est plutôt lent, ponctué de discussions principalement orientées vers nos découvertes de la journée, la source bien sûr, le dépôt salin sur la paroi, mais surtout ce très surprenant insecte aquatique.

 

Texte : Frédéric Moncoqut.
Photographies : Frédéric Moncoqut, Ruben Mendi et José Maria Samanes

 

 

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